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MAI 1767.

avec un prodigieux succès. Je suis convaincu que cette méthode finira par être généralement adoptée dans toute l’Europe ; mais il faut bien du temps aux hommes pour se rendre à la raison. En France, nous aurons la gloire de lui résister sur ce point plus longtemps que les autres nations : grâces à la sagesse de nos corps, ç’a été de tout temps notre rôle.

Essai sur l’histoire du cœur humain. On y a joint les caprices poétiques d’un philosophe. Volume petit in-12, de plus de deux cents pages. N’essayez point de ces essais, et garantissez-vous des caprices poétiques de ce philosophe anonyme. Il prie le lecteur en le lisant de

Se souvenir que chaque auteur.
Sans y penser, dans son ouvrage
Peint d’ordinaire à chaque page
Son caractère et son humeur.

Cela peut être vrai ; mais qui est-ce qui a pu dire à cet auteur que son caractère et son humeur vaillent la peine d’être peints ? Quand on a le visage plat, la figure insipide et maussade, il ne faut pas exposer son portrait à la censure publique.

M. Deserres de La Tour vient de faire imprimer un Traité du bonheur de près de deux cents pages in-12, auquel on a joint un traité de l’Éducation des anciens, qui est à peu près de la même étendue. C’est le plus impertinent et le plus insipide bavardage qu’on puisse lire. Qu’on déraisonne tristement sur le bonheur, c’est le sort de presque tous ceux qui en ont écrit ; mais qu’on ose imprimer un traité sur l’éducation des anciens, sans idées, sans connaissances, sans vues, sans style, sans presque rien dire de relatif à cet objet si intéressant et si neuf, cela mériterait punition dans un pays bien policé.

— Un autre bavard a fait imprimer un traité de l’Éducation philosophique de la jeunesse, ou l’Art de l’élever dans les sciences humaines, avec des réflexions sur les études et la discipline des collèges, en deux petits volumes in-12. Je ne sais si tout ce bavardage est d’un certain défunt maître Joseph de La Motte, en son vivant maître de pension, qui se trouve cité à la suite de l’avis préliminaire[1]. Il y a cette différence entre ce

  1. Ce traité est, en effet, de l’abbé de La Motte.