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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

bavard-ci et celui de l’article précédent, que celui-ci a une tête absolument vide de toute espèce d’idées et que celui-là une tête triviale, remplie de toutes sortes de lieux communs du plus plat calibre.

— Si vous voulez vous remplir la tête d’idées tristes, bilieuses et sombres, vous lirez les Pensées et Réflexions de M. de Rancé, abbé de la Trappe, qu’on vient d’extraire des Lettres spirituelles de ce célèbre atrabilaire. Tout le monde connaît l’histoire de sa conversion et de la fondation de cette fameuse abbaye où le fanatisme mélancolique et la dégradation de la raison humaine sont portés au plus haut degré de perfection. On a ajouté à ce recueil une paraphrase des sept psaumes de la pénitence ; et le tout forme un volume petit in-12 de plus de cent cinquante pages.

— Il paraît tous les ans un certain nombre de pièces dramatiques qui n’ont pu être jouées, soit que les Comédiens les aient rejetées à la lecture, soit que les auteurs aient pressenti leur sort et n’aient pas voulu s’y exposer. Ils ont raison de préférer la manière de tomber la plus douce ; c’est celle dont personne ne s’aperçoit. Personne par exemple ne sait qu’on a imprimé cette année une tragédie de cinq actes sous le titre de Virginie, et la pièce n’est pas mieux connue que l’auteur. Ce sujet si beau et si théâtral n’est pas encore sur le Théâtre-Français, et nous disons que les sujets manquent ; ce sont les poëtes, les hommes de génie qui manquent, et non les sujets.

— Une beauté du pays de Vaud a fait imprimer aussi un essai de tragédie domestique intitulée Repsima[1]. Sujet tiré des Mille et un jours. Cette pièce est dédiée à M. Beccaria. Il faut connaître l’espèce de bel esprit qui règne en Suisse, surtout parmi le beau sexe, et l’effet que produit dans ces têtes femelles la lecture de nos bons et mauvais écrivains, et le salmigondis qui en résulte, pour entendre quelque chose à une pièce dans le goût de celle-ci.

M. d’Arnaud vient de faire une troisième édition, ornée d’estampes et de vignettes suivant la mode, de Fanny, ou la Nouvelle Paméla, histoire anglaise. Le sujet de ce roman ressemble un peu à celui d’Eugénie, que M. de Beaumarchais a

  1. (Par Mle Bouillé, fille d’un réfugié d’Amsterdam.) Lausanne, 1767, in-8°.