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SEPTEMBRE 1767.

de la peine à aimer malgré ses vertus, serait resté aux yeux de Dieu et de la nation un huguenot abominable.

Charles V, ayant soutenu la maison de Valois par sa sagesse sur le penchant de sa ruine, l’Académie-française a proposé l’éloge de ce monarque pour le prix d’éloquence à remporter cette année ; et elle vient de couronner le discours de M. de La Harpe. Ce discours est imprimé, et vous le lirez avec plaisir. Ce n’est pas qu’on n’en eût pu faire un beaucoup plus beau ; que la peinture des mœurs et des désordres de ce malheureux siècle n’eût pu être plus forte et plus énergique ; mais M. de La Harpe n’a point ce nerf-là. Il a une manière plus faible, mais sage, un coup d’œil qui n’est pas profond, mais juste ; et je m’en contente. Ce jeune homme a du style ; et cette qualité n’est pas commune. J’aurais voulu cependant un peu moins d’antithèses dans la première partie ; je ne puis souffrir ces périodes arrangées à quatre épingles, où chaque phrase est contre-balancée par une autre du même poids, où il y a tout juste autant de crainte d’un côté que d’espérance de l’autre, et où les mots jouent sans cesse contre des mots. Comme M. de La Harpe s’est fait beaucoup d’ennemis par sa fatuité, on a dit que les plus beaux morceaux de son discours étaient de M. de Voltaire, parce que l’auteur se tient toujours à Ferney. Je crois bien que M. de Voltaire a jeté les yeux sur le discours de M. de La Harpe ; je me ferais fort, ce me semble, de souligner tout ce qui en appartient au chef de la littérature française. Ce ne sont pas, il est vrai, les morceaux les plus mauvais ; mais dans le fait, ils ne font que relever un très-bon fond.

Outre le discours de M. de La Harpe, on en a imprimé un grand nombre d’autres qui ont concouru pour le même prix, et que vous ferez bien de ne pas lire, pas même celui de M. Gaillard.


15 septembre 1767[1].

M. de Beaumarchais vient enfin de faire imprimer Eugénie,

  1. Ce cahier manque dans le manuscrit de Gotha ; mais, grâce à l’obligeance de M. E.-G. Klemming, conservateur de la bibliothèque royale de Stockholm, nous avons pu l’emprunter au manuscrit appartenant à cette bibliothèque ; cette gracieuse communication nous a fourni aussi d’utiles compléments pour les années 1766 et 1768.