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DÉCEMBRE 1767.

Votre ennemi Piron en paradis
Et votre ami Voltaire à tous les diables !

— J’étais toujours persuadé que la Sorbonne se résoudrait difficilement à supprimer la censure de Bélisaire annoncée avec tant de bruit depuis environ six mois. Quand il s’agit de faire une sottise, un corps ne s’y refuse pas, et un corps de théologiens moins qu’un autre. Ainsi la Censure de la sacrée Faculté de théologie de Paris contre le livre qui a pour titre Bélisaire se vend en latin et en français ad libitum, et à bon marché ; il ne lui manque plus que des lecteurs et des acheteurs. Mais telle est la perversité du siècle que le contre-poison moisira dans la boutique du marchand droguiste de la sacrée Faculté, tandis que tout le monde a avalé du poison de l’aveugle Bélisaire, marchand droguiste et confiseur de l’Encyclopédie. La préface de cette triste censure est assez violente ; le reste n’est qu’ennuyeux et insipide, et prouve que le syndic Riballier n’a pas fourni du vin d’un assez bon montant au R. P. Bonhomme, cordelier, rédacteur, pour traiter les discussions théologiques avec un peu plus de feu ; c’était du vin de Brie tout au plus. Mais si la censure n’a pas fait fortune dans le public, elle a en revanche excité de grandes clameurs au milieu de la sacrée Faculté. Comme elle avait traité l’article de la tolérance civile avec toute la dureté théologique, et d’une manière peu conforme aux circonstances présentes, le gouvernement a jugé à propos de faire supprimer cet article en entier et de le faire remplacer par ce que vous lisez dans les dernières neuf pages de l’édition française in-8°, après tiret. C’est une capucinade un peu plus douce que celle dont elle a pris la place. Le syndic Riballier, ribaud de nom et de naturel, connaissant d’ailleurs les sentiments bénins et la mansuétude de son corps, a obéi aux ordres du gouvernement sans les communiquer à la Sorbonne. Il a prévu qu’elle aimerait peut-être mieux supprimer la censure tout entière que d’avoir l’air d’entendre à aucun accommodement sur la tolérance civile, et de ne vouloir plus poursuivre les hérétiques à feu et à sang. Or, la suppression tout entière de la censure n’aurait pas cadré avec les sentiments de charité dont le syndic Riballier se pique envers M. Marmontel, dont la conversion lui tient excessivement