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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

si je la lui avais vu faire. Quoi qu’il en soit, la maîtresse de M. Dorat a pris fait et cause pour son cher amant, et, supposant que l’épigramme n’est pas de M. de Voltaire, elle y a fait la réponse que voici :

Je ne Dans ce censeur atrabilaire
Je ne reconnais point le chantre de Henri ;
Je Non, ce n’est point ce poëte chéri
Je ne Au Parnasse comme à Cythère.
Je De ses enfants un père est-il jaloux ?
Je ne Il t’eût plutôt encouragé lui-même :
Mais de tes envieux quel que soit le courroux,
Je Ta gloire est pure, on te lit, et je t’aime.

Vous avez vu, dans une des feuilles précédentes, l’épigramme du vieux Piron contre Bélisaire. Elle lui a attiré pour remerciement l’épigramme que vous allez lire. Celle-ci a aussi été attribuée à M. de Voltaire ; mais si j’écoute encore ma conviction intérieure, je la tiens pour fabriquée à Paris par M. Marmontel ou consorts :

Le vieil auteur du cantique à Priape,
Humble et contrit s’en allait à la Trappe,
Pleurer le mal qu’il avait fait jadis :
Mais son curé lui dit : « Bon Métromane,
C’est bien assez d’un plat de profundis,
Rassure-toi : le bon Dieu ne condamne
Que les vers doux, faciles, arrondis,
Qui savent plaire à ce monde profane :
Ce qui séduit, voilà ce qui nous damne ;
Les rimeurs durs vont tous en paradis. »

Le vieux pécheur et pénitent Piron, qui n’a pas perdu son humeur caustique depuis sa conversion, a pensé sur l’auteur de l’épigramme comme moi, et lui a fait la réponse suivante :

Vieil apprentit, soyez mieux avisé
Une autre fois, et nous crierons merveille.
Tirez plus juste où vous aurez visé,
Aurez sinon du sifflet par l’oreille.
Ô le plus grand de tous les étourdis !
En séparant les élus des maudits,
Vous envoyez, par des raisons palpables,