Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/64

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décrépit du père. Il oublie que ce sont des êtres moraux, et qu’il faut par conséquent calculer la force de tous les sentiments moraux qui non-seulement contre-balancent la peine qu’un père languissant donne à un fils vigoureux, et l’intérêt qu’il aurait à s’en défaire, mais qui lui font de sa peine la plus douce des jouissances. Ainsi il propose dans le fait une action aussi absurde qu’elle serait abominable, et le fils serait dans le cas de regarder celui qui pourrait la conseiller autant comme un homme jaloux de son bonheur que comme un monstre étranger à tout sentiment moral. Otez ce sentiment moral, qui est aussi naturel au fils que la vigueur de son bras, et vous verrez qu’il tuera son père décrépit sans remords et sans crime, comme le tigre qui déchire le voyageur. Tout est si bien force et droit du plus fort que les hommes ne se sont réunis en société que pour tenir en respect leurs forces réciproques ; et dans cet accord chaque individu n’a sacrifié son droit à la vie de son semblable que pour mettre en sûreté la sienne. Ô médecin, qui que tu sois, soit que tu te mêles de guérir les maux du corps ou ceux de l’âme, souviens-toi que tout est force, poulie, ressort, levier dans la nature ; que ta science consiste dans le secret de donner du jeu à la machine, soit physique, soit morale, et que si tu n’es pas profond mécanicien, tes procédés seront toujours aussi inutiles que faux.

M. Huber, connu par différentes traductions allemandes, et particulièrement par celle des ouvrages de M. Gessner de Zurich, vient de nous donner un Choix de poésies allemandes en quatre gros volumes in-8o assez joliment imprimés. Ce choix contient tous les genres de poésie, et les ouvrages de tous les différents poëtes d’Allemagne, la plupart vivants. On trouve dans le premier volume les idylles et poésies pastorales, les fables et contes, et ce que le traducteur a appelé contes poétiques ; le second volume contient les odes et la poésie lyrique ; le troisième, la poésie épique sérieuse et comique ; le quatrième, les épîtres, élégies, satires, et la poésie didactique. M. Huber a mis à l’article de chaque poëte une notice de sa vie et de ses écrits, aussi instructive qu’agréable. On ne peut lui reprocher que d’avoir un peu trop grossi son recueil, en y accordant place à des pièces assez médiocres. S’il avait été un peu plus sévère, et qu’au lieu de quatre volumes il se fût con-