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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

singulièrement de ce qu’il a senti qu’il fallait faire de Mme de Clinville une femme sans passion, sans faiblesse et sans reproche. On a encore bien déraisonné sur le titre de cette pièce. On a dit qu’il fallait l’intituler le Chasseur. Un journaliste, je ne sais lequel, a décidé spirituellement que le véritable titre de la pièce était les Époux mystérieux. Ne faut-il pas être abandonné de Dieu pour imprimer de pareilles bêtises ? Monsieur Sedaine, moquez-vous de ces impertinences et gardez votre titre. Si vous aviez été ou Aristophane, ou Ménandre, ou Plaute, ou Térence, vous auriez intitulé votre pièce la Clef, comme Plaute a appelé une des siennes le Rudens, et ce titre aurait été d’aussi bon goût que celui que vous avez choisi de préférence.

Au reste, M. Sedaine vient d’être nommé architecte du roi et secrétaire perpétuel de l’Académie royale d’architecture à la place de feu M. Camus. Voilà une place bien donnée ; elle vaut douze cents livres d’appointements, avec un beau logement au Louvre : c’est la première grâce que M. Sedaine reçoit, il la doit à M. le marquis de Marigny. Le public a applaudi à ce choix, et M. de Marigny n’a pas été fâché, je crois, de prouver à l’Académie qu’il est en droit de donner ses places et les brevets d’architectes du roi sans la consulter ; mais c’est rappeler à cette Académie une tracasserie qu’il eût été plus généreux d’oublier. Sans cette circonstance, M. Le Roy, membre de l’Académie, célèbre par ses belles Ruines de la Grèce, aurait monté tout naturellement au secrétariat ; il en eût été très-digne ; et possédant une théorie savante et profonde, ne voulant pas d’ailleurs pratiquer son art, il eût été très-capable de cette place. Si c’est une injustice de l’en avoir privé, je suis charmé qu’elle ait servi de récompense à un autre homme de mérite ; et quand M. de Marigny aura oublié que c’est M. Le Roy qui a été le moteur principal de la résistance qu’il a éprouvée de la part de l’Académie d’architecture, il trouvera bien le moyen de le dédommager de cette petite mortification par un bon contrôle de bâtiments de quelque maison royale. Ce M. Le Roy a publié, il y a quelques mois, des Observations sur les édifices des anciens peuples, suivies de Recherches sur les mesures anciennes ; volume in-8° d’environ cent pages. Ces observations répondent à la critique qu’on a faite des Ruines de la Grèce dans un ouvrage anglais intitulé les Antiquités d’Athènes. M. Le Roy