Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/218

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trouble ; je ne pourrai plus être triste impunément, et dès lors toutes mes craintes seront réalisées. Non, non, que Frédéric reste et qu’il se taise ; j’éviterai soigneusement d’être seule avec lui, et quand je m’y trouverai malgré moi, mon extrême froideur lui ôtera tout espoir d’en profiter. Mais crois-tu qu’il le désire ? Ah ! mon amie, si tu connaissais comme moi l’âme de Frédéric, tu saurais que si la violence des passions l’a subjuguée un moment, elle est trop noble pour y persister.

Pourquoi le ciel injuste l’a-t-il poussé vers une femme qui ne s’appartient pas ? Sans doute que celle qui eût été libre de faire son bonheur, eût été trop heureuse… Mais je ne sais pas ce que je dis ; pardonne, Élise, ma tête n’est point à moi ; l’image de ce malheureux me poursuit ; j’entends encore ses accens, ils retentissent dans mon cœur. Hélas ! si sa peine venait d’une autre cause, l’humanité m’ordonnerait de l’adoucir par toute la tendresse que permet l’amitié. Et parce que c’est moi qu’il aime,