Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/224

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Toutes ces images me disposèrent de bonne heure à la tendresse, j’y fus encore excité par l’habitation des montagnes. C’est dans ces pays sauvages et sublimes que l’imagination s’exalte et allume dans le cœur un feu qui finit par le dévorer ; c’est là que je me créai un fantôme auquel je me plaisais à rendre une sorte de culte : souvent, après avoir gravi une de ces hauteurs imposantes où la vue plane sur l’immensité. Elle est là, m’écriai-je, dans une douce extase, celle que le ciel destine à faire la félicité de ma vie ! Peut-être mes yeux sont-ils tournés vers le lieu où elle embellit pour mon bonheur ; peut-être que, dans ce même instant où je l’appelle, elle songe à celui qu’elle doit aimer : alors je lui donnais des traits ; je la douais de toutes les vertus ; je réunissais sur un seul être toutes les qualités, tous les agrémens dont la société et les livres m’avaient offert l’idée ; enfin, épuisant sur lui tout ce que la nature a d’aimable, et tout ce que mon cœur pouvait aimer, j’imaginai Claire !… Mais non, ce regard,