Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En lui peignant Frédéric tel qu’il est, je donnerai sans doute plus d’énergie à sa douleur ; mais, dans les âmes comme la sienne, il faut de grands mouvemens pour soutenir de grandes résolutions ; au lieu que si, fidèle à votre plan, je lui laisse entrevoir qu’elle a mal connu Frédéric ; que non-seulement il peut l’oublier, mais qu’une autre est prête à la remplacer ; si je lui montre léger et sans foi ce qu’elle a vu noble et grand ; enfin si j’éveille sa défiance sur un point où elle a mis tout son cœur, la vérité, l’honneur même ne seront plus pour elle qu’un problème. Si vous lui faites douter de Frédéric, craignez qu’elle ne doute de tout, et qu’en lui persuadant que son amour ne fut qu’une erreur, elle ne se demande si la vertu aussi n’en est pas une.

Mon ami, il est des âmes privilégiées qui reçurent de la nature une idée plus exquise et plus délicate du beau moral ; elles n’ont besoin ni de raison, ni de principes pour faire le bien, elles sont nées pour l’aimer, comme l’eau pour suivre son cours, et nulle