Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/304

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geant dans ses sentimens : on peut captiver son imagination, émouvoir ses sens, et non pénétrer son cœur. C’est ainsi que tu l’as jugé, c’est ainsi que tu l’as vu ; c’est Élise qui le dit, et c’est de Frédéric qu’elle parle ! Ô mortelle angoisse ! si ce sentiment profond, indestructible, qui me crie qu’il est toujours vertueux et fidèle, qu’on me trompe et qu’on le calomnie ; si ce sentiment, qui est devenu l’unique substance de mon âme, est réel, c’est donc toi qui me trahis ? Toi, Élise ! quel horrible blasphème ! toi, ma sœur, ma compagne, mon amie, tu aurais cessé d’être vraie avec moi ? Non, non ; en vain je m’efforce à le penser, en vain je voudrais justifier Frédéric aux dépens de l’amitié même ; la vertu outragée étouffe la voix de mon cœur, et m’empêche de douter d’Élise : ce mot terrible que tu as dit a retenti dans tout mon être, chaque partie de moi-même est en proie à la douleur, et semble se multiplier pour souffrir ; je ne sais où porter mes pas, ni où reposer ma tête ; ce mot terrible me poursuit, il est