Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/332

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d’elle : je confierai mes deux fils à Frédéric, c’est une chaîne dont je l’attacherai ici ; je dissimule ma douleur devant lui, car, s’il pouvait soupçonner le motif de mon voyage, s’il se doutait que tout ce que vous lui dites de Claire n’est qu’une erreur, s’il voyait ces terribles paroles que vous n’avez point tracées sans frémir, et que je n’ai pu lire sans désespoir, déjà les ombres de la mort couvrent son visage, aucune force humaine ne le retiendrait ici.

Non, mon ami, non, je ne vous fais pas de reproches, je n’en fais pas même à l’auteur de tous nos désastres. Dès qu’un être est atteint par le malheur, il devient sacré pour moi, et Frédéric est dans un état trop affreux pour que l’amertume de ma douleur tourne contre lui ; mais mon âme est brisée de tristesse, et je n’ai point d’expressions pour ce que j’éprouve. Claire était le flambeau, la gloire, le délice de ma vie ; si je la perds, tous les liens qui me restent me deviendront odieux ; mes enfans, oui, mes enfans eux-mêmes ne seront plus pour moi qu’une