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les conditions du progrès scandinave

destination naturelle, — et ce simple rappel mental, même exempt d’orgueil et de regrets, exerce sur l’ensemble de ses idées une pression fatale. Or le Scandinave qui débarque à Revel, à Riga, à Dantzig, à Stralsund peut-il ne pas revoir en un raccourci glorieux cette paix de 1617, bientôt complétée par la conquête de la Courlande et qui, en fermant aux Russes tout accès maritime, fit de la Baltique un lac suédois ? Peut-il ne pas rendre un tacite hommage à ces grandes figures de Birger Iarl, de Gustave Vasa, de Gustave-Adolphe et de Charles xii, qui composent, si l’on ose ainsi parler, un Napoléon en quatre actes ?

Mais de même qu’en France la formule napoléonienne ne satisfait que par intervalles l’âme nationale, de même l’âme Scandinave a voulu s’ouvrir d’autres issues. Voilà le conflit. Il oppose les traditions et les aspirations, les instincts aristocratiques et les passions démocratiques, le goût de l’autorité et l’amour de la liberté. Quand, à Stockholm, le roi Oscar, portant la pourpre et l’hermine et assis sur son trône, a procédé à l’ouverture du Parlement suédois, il se rend à Christiania où, vêtu d’une redingote et assis dans un fauteuil, il procède à l’ouverture du Parlement norvégien. Nous les avons aimés, non point simultanément mais successivement, cette pompe et cette simplicité ; pour les remplacer l’une par l’autre, que de barricades n’avons-nous pas dressées, que de sang, hélas ! n’avons-nous pas répandu !

Tels sont les problèmes Scandinaves ; il suffit de les mentionner pour enlever à une comparaison entre la France et la Scandinavie toute apparence paradoxale. Il suffit d’un peu de réflexion pour comprendre d’autre part que le meilleur moyen de les rendre plus ardus et plus redoutables, ce serait de les vouloir résoudre ; ils sont par nature insolubles.

C’est pourquoi la tâche qu’on tente en ce moment d’ac-