Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

hasard toutes les conditions d’harmonie propres à en assurer la stabilité. Ainsi ce serait par hasard, après des combinaisons dont l’énumération surpasse toutes les forces du calcul, que se serait formé le globe de l’œil avec ses tissus, ses humeurs, les courbures de leurs cloisons, les densités diverses des matières réfringentes dont il se compose, combinées de manière à corriger l’aberration des rayons, le diaphragme qui se dilate ou se resserre selon qu’il faut amplifier ou restreindre les dimensions du pinceau lumineux, le pigment qui en tapisse le fond pour prévenir le trouble que causeraient les réflexions intérieures, les organes accessoires qui le protègent, les muscles qui le meuvent, l’épanouissement du nerf optique en un réseau sensible si bien approprié à la peinture des images, et les connexions de ce nerf avec le cerveau, non moins spécialement appropriées à la sensation qu’il s’agit de transmettre ! Tout cela n’attesterait pas une harmonie préétablie entre les propriétés physiques de la lumière et le plan de l’organisation animale ! Il serait trop facile d’insister sur les détails inépuisables de cet argument inductif ; on l’a fait trop souvent, et parfois trop éloquemment, pour qu’il ne convienne pas de se borner ici à en indiquer la place. Encore moins conviendrait-il de ressasser les lieux communs des écoles sur les coups de dés et les assemblages de lettres, et de répéter des exemples fictifs, rebattus, même dans l’antiquité. La science moderne a une réponse plus satisfaisante et plus péremptoire que ces raisonnements scolastiques : elle a déchiffré les archives du vieux monde ; elle y a vu qu’à une certaine époque géologique les êtres vivants n’existaient pas et ne pouvaient exister à la surface de notre planète ; que par conséquent la condition