Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/294

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l’esthétique. En effet, des actions sont moralement belles comme moralement bonnes, dès lors qu’elles sont conformes à ces idées de convenance, d’ordre et d’harmonie, dont la raison humaine est capable de concevoir le modèle et de poursuivre l’application. C’est ici surtout que les idées du beau et du bon se confondent, comme le voulait Platon, ou tendent à se confondre : car, si nous réservons de préférence l’épithète de belles aux actions qui supposent une vertu rare, un dévouement généreux, et qui excitent en nous un sentiment d’admiration que nous n’éprouvons pas pour des actes de probité ou de bienfaisance ordinaires, il est clair qu’on tracerait difficilement entre les unes et les autres une ligne de démarcation tranchée. Il est clair aussi que le sentiment du devoir et la satisfaction qu’on éprouve à l’accomplir, ou le remords de l’avoir enfreint, sont des affections de l’âme qu’on ne saurait ni identifier ni comparer avec l’attrait qu’on ressent pour les beautés de la nature ou de l’art, ou avec le dégoût que la laideur inspire. Mais, dès qu’on écarte ces diverses affections du sujet sentant, pour ne considérer, dans les actes par lesquels nous saisissons les qualités des choses, que ce qu’ils ont la vertu de représenter à l’entendement, on voit que tous dépendent de la même faculté supérieure qui cherche et trouve partout l’ordre, l’harmonie, l’unité, et qui, en trouvant ce qu’elle cherche, se convainc par là même de la légitimité de ses prétentions et de la conformité des lois générales avec les lois de sa nature propre.