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Page:Courouble - Le roman d'Hippolyte (La famille Kaekebroeck), 1927.djvu/72

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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

blier une « chienne » postiche qui, mal agrafée, pendait de travers sur son front ridé.

Un corsage rose, façonné à la dernière mode de Boussu, découvrait un large pan de sa poitrine enfarinée sur quoi retombait une cascade de gras mentons. Les minauderies de la veuve, ses pendeloques carillonnantes et, plus que tout le reste, son accent qui tirait les mots en longueur, telles de sirupeuses babelutes, épouvantaient le jeune homme, comme s’il se fût trouvé auprès d’une autre Malvina Rampelbergh, wallonne à présent ! Et il la comblait de malédictions silencieuses en même temps qu’il jetait des regards désespérés à son ami Michel qui, très occupé là-bas au bout de la table, lui décochait à la dérobée des clins d’yeux malicieux, sans venir à son secours.

En le voyant ahuri et désemparé, la vieille coquette n’en prenait qu’une meilleure opinion de ses charmes :

— Bruxelles est une ville bien plaisante, dit-elle d’une voix doucereuse, mais que les Bruxellois sont donc osés à l’égard des pauvres dames seules !

Est-ce que cet après-midi, à la sortie d’un grand magasin, un suiveur ne l’avait pas relancée jusqu’à la gare du Nord en lui débitant des horreurs ! Elle avait dû se sauver dans un « automatique ». Ah, quelle aventure ! Elle en palpitait encore, avec de petits rires effarouchés, des grimaces qui multipliaient ses rides, des rougeurs qui accentuaient sa couperose.