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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

ce n’est pas cela. Mon cas est plus complexe, plus…

Il hésitait à dire le mot.

— Sentimental, peut-être, aida la jeune fille en portant un verre d’eau à ses lèvres mais d’un mouvement trop prompt pour que ce geste ne servît pas à cacher un peu d’espièglerie. Il ne pouvait s’y méprendre et s’alarma soudain à l’idée que Michel avait sans doute entretenu sa sœur de leur belle condisciple.

Il allait protester de son air le plus ingénu quand une servante interposa entre eux sa robuste personne, plus volumineuse encore d’un énorme poulet de Bruxelles qu’elle portait superbement comme dans un tableau de Jordaens. Aussitôt, la jeune fille fut accaparée par son voisin de gauche, un receveur des contributions en retraite, tandis qu’Hippolyte devenait la proie de la redoutable commère flanquée à sa droite.

Il essaya bien d’abord de lui échapper, feignit d’être distrait, même un peu sourd, toussa, s’étrangla presque pour laisser enfin tomber sa serviette qu’il mit un temps infini à repêcher sous la table : toutes ces petites ruses, dont il ne se dissimulait pas d’ailleurs la maladresse, ne servirent de rien. Il était pris : déjà l’impitoyable quinquagénaire le couvait d’un regard tendre et commençait à lui débiter ses impressions de provinciale. C’était une vieille belle qui avait d’épaisses mains rouges, enflées comme des gants d’enseigne et chargées de bagues, des cheveux d’un blond poussiéreux et mort, sans ou-