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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Il l’écoutait de tous ses yeux, avec tant de ravissement, une figure si vivement attentive et passionnée qu’elle s’interrompait souvent pour lui prendre la tête entre ses deux mains et la couvrir de baisers :

— Oh, toi, murmurait-elle tout contre ses lèvres, tu es celui que j’adore par dessus tout !

Ils aimaient à se rappeler leurs premières impressions en se voyant à l’Université.

— Tes regards, disait-elle, me révélaient ce que tes lèvres n’osaient m’avouer. Qu’ils étaient éloquents ! Comme ton air malheureux m’amusait !

— Cruelle ! faisait-il, comme dans une comédie.

— Oh, il m’amusait, tu comprends, parce que j’étais bien résolue à t’en récompenser un de ces jours ! Et voilà qu’il est arrivé ! Es-tu content ?

Elle ajoutait, plus grave :

— Je t’aimais tellement déjà que d’abord j’ai voulu te décourager par ma froideur apparente et de peur de briser ta vie. Car je ne fais rien d’heureux. Mais voilà, tu as cet amour qui distingue les Français : tu t’attaches à ce qui te montre de l’indifférence…

Elle parlait, mais sans refuser de l’écouter à son tour ; car elle aimait le son de sa voix, ses mots de tendresse inédits, ses gestes emportés et jusqu’à l’impatience qu’il manifestait parfois dans ses reproches ; il avait quelque chose de fougueux, de volontaire qui ne lui déplaisait pas.