Page:Court de Gébelin - Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, 1re livraison.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xx
DISCOURS

on montre quels objets ils font capables de peindre par leur nature. On voit les ſens ſe diſtribuer entr’eux tous les ſons ; le ſon e peindre l’exiſtence ; le ſon a, la propriété ; le ſon ou, l’ouie, &c. tandis que le ton b peignit les idées de bonté, de beauté, de bien, tout ce qui étoit agréable & doux ; que le ton R peignit toutes les idées de rudeſſe, de roideur, de roulement ; le ton f, l’idée de fuite, de ce qui paſſe & n’eſt plus, de tout ce qu’on doit fuir.

Chaque ton, après avoir déſigné une claſſe générale d’idées, devint propre à exprimer toutes les eſpèces différentes renfermées dans cette claſſe, par les divers ſons avec leſquels il s’aſſocia ; enſorte que ba, be, bo, furent, par exemple, autant de mots ſubordonnés au tronc général B.

Ce même ton, en ſe modifiant par une prononciation plus ou moins forte, devenoit également propre à exprimer des idées ſubordonnées aux idées générales qu’il repréſente.

Ainſi ſe forme la diſtribution la plus naturelle, la plus ſimple, la plus énergique, la plus étendue de tous les mots qui compoſent une Langue ; diſtribution inconnue, ce ſemble, juſqu’ici, d’où naiſſent cependant toutes les richeſſes de l’étymologie, du raport & de l’origine des Langues ; & au moyen de laquelle on voit ſe former ſans peine, & d’une manière toujours conforme à la raiſon & à l’expérience, cette maſſe de mots radicaux, qui eſt devenue la baſe de toutes les Langues.

Ces mots préſentoient d’abord les objets phyſiques ; mais on avoit également des objets moraux & ſpirituels à peindre : il fallut donc encore des mots pour ceux-ci : mais comme l’étendue de l’inſtrument étoit épuiſé, on y remédia en aſſignant à chaque mot qui peignoit un objet phyſique, un ſens figuré analogue aux