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Une heure après, le prieur public annonçait à la population consternée qu’un corps de deux mille cosaques marchait sur Dinant, pour châtier la ville des secours accordés aux débris des troupes vaincues.

Par la voix du crieur, le maire exhortait la ville au calme et à la résignation.

Ah ! bien oui ! Ce fut une panique effroyable ; et qui lors eût vu hommes, femmes et enfants pleurer et se tordre les mains, crier à haute voix très amèrement, il n’est si dur cœur au monde qui n’en eût eu pitié.

Dinant se souvenait de la vengeance du Charolais, cette page terrible de son histoire : de la ville mise à feu et à sang, pour avoir pris le parti de la France, des bombardiers pendus aux gibets sur la montagne, des huit cents bourgeois attachés deux à deux et précipités dans la Meuse.

Sans doute, les secours portés aux vaincus d’hier constituaient les mêmes griefs ; et pareil châtiment menaçait encore la ville.

Dinant était dans la consternation ; les rues désertes, partout les volets, les persiennes baissés ; et des cierges brûlaient aux pieds de tous les saints et saintes du paradis, qu’on pouvait implorer en semblable occurrence.

Or, vers les huit heures du soir, on entendit dans le grand silence de la ville apeurée le bruit d’une patrouille qui passait.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le maire s’était réfugié dans une chambre haute, entouré des siens et de ses proches, en larmes. Il rêvait, accoudé tristement sur le berceau de son dernier rejeton. Ce bruit de pas battant le pavé le vint tirer de sa douloureuse torpeur. Il frissonna :

« Déjà ?… prononça-t-il à peine, dans un profond soupir… C’est l’avant-garde, sans doute ! »

Puis, lentement, résigné, il se porta vers la fenêtre, comme marchant à la mort. Là, il eut un cri de surprise et de soulagement.

« Non ! dit-il, c’est les Guinguet ! »

C’étaient les trois frères Guinguet, en effet, les épiciers du Faubourg, qui passaient épouvantablement armés.

M. Benoît Flaupart ouvrit la fenêtre :