Page:Cousot - La Tour aux rats, 1888.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7

Je ne sais pas ce que comprit le gros major, mais il salua Jacques avec l’air de remercier ; et fit signe à sa troupe qu’elle pouvait avancer.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Cependant Dinant savait que les trois frères Guinguet tenteraient d’arrêter l’invasion. Il allait y avoir bataille. On allait entendre des cris, d’épouvantables fusillades, puis des cavaliers, poussant des clameurs féroces, passeraient dans une charge furieuse, tuant, massacrant, mettant tout à feu et à sang ; il y aurait des écroulements de murs, des viols de femmes, des égorgements d’enfants…

… Pourtant rien ! pas un cri, pas un coup de feu ! et déjà les cavaliers défilaient.


Ceux qui, les premiers, osèrent entr’ouvrir leurs volets clos, virent un spectacle étonnant.

La troupe passait calme, conduite par les deux frères Guinguet ; et Cyprien, l’aîné, menait par la bride le cheval du commandant.


Le maire aussi avait entr’ouvert sa fenêtre :

« Cyprien, dit-il, presque à voix basse, qu’est-ce qu’il y a ?… Ils se sont rendus ! »

» Ils se sont rendus, si vous voulez, Benoît, mais il vaut mieux ne pas le leur trop faire sentir.

» Et où allez-vous comme çà ?

» Les reconduire à la frontière, par l’autre côté de l’eau. C’est convenu. »

Le major regardait le maire, qui baissa les yeux et ferma sa fenêtre, pour ne point l’exciter.

« Qui aurait dit ça des Guinguet ? » fit-il alors, avec une pointe d’envie.

Le soir, sous des arcs de triomphe, les trois frères Guinguet rentraient dans la ville pavoisée.

Et, de Givet, le gros major écrivait à son chef, le prince Kouvarof :