Je ne sais pas ce que comprit le gros major, mais il salua Jacques avec l’air de remercier ; et fit signe à sa troupe qu’elle pouvait avancer.
Cependant Dinant savait que les trois frères Guinguet tenteraient d’arrêter l’invasion. Il allait y avoir bataille. On allait entendre des cris, d’épouvantables fusillades, puis des cavaliers, poussant des clameurs féroces, passeraient dans une charge furieuse, tuant, massacrant, mettant tout à feu et à sang ; il y aurait des écroulements de murs, des viols de femmes, des égorgements d’enfants…
… Pourtant rien ! pas un cri, pas un coup de feu ! et déjà les cavaliers défilaient.
Ceux qui, les premiers, osèrent entr’ouvrir leurs volets clos, virent un spectacle étonnant.
La troupe passait calme, conduite par les deux frères Guinguet ; et Cyprien, l’aîné, menait par la bride le cheval du commandant.
Le maire aussi avait entr’ouvert sa fenêtre :
« Cyprien, dit-il, presque à voix basse, qu’est-ce qu’il y a ?… Ils se sont rendus ! »
» Ils se sont rendus, si vous voulez, Benoît, mais il vaut mieux ne pas le leur trop faire sentir.
» Et où allez-vous comme çà ?
» Les reconduire à la frontière, par l’autre côté de l’eau. C’est convenu. »
Le major regardait le maire, qui baissa les yeux et ferma sa fenêtre, pour ne point l’exciter.
« Qui aurait dit ça des Guinguet ? » fit-il alors, avec une pointe d’envie.
Le soir, sous des arcs de triomphe, les trois frères Guinguet rentraient dans la ville pavoisée.
Et, de Givet, le gros major écrivait à son chef, le prince Kouvarof :