Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/258

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puisque c’est l’intuition qui y différencie les jugements mathématiques des jugements métaphysiques, les uns et les autres étant également synthétiques a priori.

Mais ce ne sont là que des difficultés accessoires. L’objection capitale est celle-ci : De ce que les définitions mathématiques sont synthétiques et les définitions métaphysiques analytiques, s’ensuit-il que les jugements mathématiques soient synthétiques ? Pas plus qu’il ne s’ensuit que les jugements métaphysiques soient analytiques. En effet, les caractères d’analytique et de synthétique sont attribués, dans le premier cas aux concepts, et dans le second cas aux propositions. Il y a là en réalité deux sens différents de ces mots ; et si l’on pouvait tirer une conséquence de l’un à l’autre, ce serait la contraire de celle que Kant paraît en tirer. En effet, de ce que les concepts mathématiques sont fabriqués a priori et n’existent que par leur définition même, il résulte que l’esprit sait d’avance tout ce qu’il y a mis, et ne peut plus porter sur eux que des jugements analytiques ; au contraire, si les concepts métaphysiques sont donnés tout faits en quelque sorte, et si leur analyse est si difficile et presque toujours incomplète, il est bien probable que les jugements qu’on porte sur eux sont synthétiques. En résumé, les concepts synthétiques semblent devoir donner lieu à des jugements analytiques, et les concepts analytiques à des jugements synthétiques. Nous ne disons pas que cette conclusion soit logiquement justifiée, mais seulement qu’elle est beaucoup plus plausible que la conclusion contraire, et que par conséquent on ne peut point inférer du caractère synthétique des définitions mathématiques le caractère synthétique des jugements mathématiques.