Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/270

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261] a de plus étonnant, c’est qu’un problème que l’entendement pose (puisque Kant parle du concept de la somme 7+5) ne puisse être résolu que par l’intuition. En réalité, il y a vraiment un problème, si « 7+5 » n’est qu’un assemblage de mots prononcés ou de signes écrits, qui sert de véhicule à l’idée entre deux esprits (par exemple de l’esprit du maître à celui de l’élève qu’il interroge) ; mais si l’on pense réellement le sens de ces mots ou de ces signes, il n’y a plus de problème, ou plutôt la position du problème en est la solution, car le même esprit qui pense 7+5 pense en même temps 12. Encore une fois, cette égalité mathématique ne représente nullement une opération pénible ou compliquée, mais une identité absolue. La synthèse ne s’effectue pas dans le passage du 1er au 2e membre (figuré par le signe =), mais dans la formation du 1er (figurée par le signe +). Or il ne s’agit pas de savoir comment nous avons formé le sujet, mais si ce sujet, supposé formé et donné, contient le prédicat.

Au fond, dans la phrase que nous discutons, Kant joue sur les mots de réunion et d’addition. Il parait vouloir dire que, pour obtenir le nombre 12, il ne suffit pas de réunir par la pensée les deux nombres 7 et 5, comme on réunit deux concepts partiels (animal et raisonnable par exemple, pour en composer un concept total, homme) : il faut les additionner, et cette opération, selon lui, ne peut s’effectuer que dans et par l’intuition. La distinction est juste, mais elle se retourne contre Kant. En effet, le sujet n’est pas « 7 et 5 », mais « 7+5 », ce qui signifie que pour le former il ne suffit pas de réunir les deux nombres, mais qu’il faut les additionner, et c’est ce qu’indique expressément le signe +. Si Kant refuse de les additionner, et se contente de les réunir, il n’a plus le droit de parler du concept de somme, même à titre problématique. En résumé, il reproche à l’addition arithmétique de n’être pas la multiplication logique, comme s’il ne pouvait y avoir qu’un seul mode de combinaison des concepts, [262]