Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/275

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singulièrement vague et flottante dans l’esprit même de son auteur ?

Au surplus, elle l’a parfois induit en des erreurs flagrantes. Par exemple, il considère comme un jugement analytique ce principe : « Égal ajouté (ou retranché) à égal donne égal », parce qu’on y a immédiatement conscience de l’identité des deux grandeurs comparées (B. 204). Or c’est là une erreur, car ce jugement, loin de reposer sur le principe d’identité, énonce une propriété de l’addition (ou de la soustraction), à savoir que cette opération est uniforme. C’est donc là un axiome, qui est vrai pour certaines opérations et faux pour d’autres. Par exemple, l’extraction des racines n’étant pas une opération uniforme, on ne peut pas écrire : , bien que cette égalité ait toutes les apparences de l’identité, et que, selon les mots mêmes de Kant, on ait immédiatement conscience d’une identité dans la génération de la grandeur : car peut être aussi bien +2 que -2, de sorte que l’égalité considérée pourrait conduire à l’égalité absurde : +2=-2.

LE SCHÉMATISME.

Il ne reste plus qu’un seul argument en faveur de la nature synthétique des vérités arithmétiques : c’est la conception du nombre, telle qu’elle résulte de la théorie du schématisme. On sait que, selon Kant, le nombre, schème de la grandeur, « est une représentation qui embrasse l’addition successive d’une unité à une autre (de même espèce) » ; et, par suite, « le nombre n’est pas autre chose que l’unité de la synthèse de la multiplicité d’une intuition homogène en général, par le fait qu’on engendre le temps lui-même dans l’appréhension de [