Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/280

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cette image même, qu’il serait difficile, dans ce dernier cas, d’embrasser et de comparer au concept » (B. 179). Mais qu’est-ce que ce concept, sinon la notion d’une multitude composée de 1000 unités, c’est-à-dire la notion même du nombre 1000 ? Dès lors, que vient faire le schème entre ce concept et son image ? S’il est un produit de l’imagination, il ne peut être que confus comme l’image même ; s’il est une méthode générale de construction, il ne diffère pas du concept ; dans tous les cas, on ne voit pas comment il peut faciliter la comparaison et le rapprochement du concept et de l’image.

D’autre part, si le nombre est le schème de la grandeur, il semble que le concept que le nombre représente soit le concept d’une grandeur. Mais qu’est-ce qui fait que tel nombre représente telle grandeur plutôt que telle autre ? C’est qu’il exprime le rapport de cette grandeur à la grandeur-unité de même espèce ; or le choix de cette unité est complètement arbitraire. Il n’y a donc dans la notion d’une grandeur rien qui indique qu’elle doive avoir pour « schème » tel nombre plutôt qu’un autre. De plus, si la grandeur est un concept, et si elle ne peut être schématisée que par le nombre, que devient la théorie kantienne suivant laquelle toute grandeur est intuitive, et revêt nécessairement la forme de l’espace et du temps ? Enfin, quel est le rapport du nombre, en tant que schème, avec les « schèmes » des figures géométriques ? On dira sans doute que le nombre est un schème temporel, tandis que les schèmes géométriques sont spatiaux. Pourtant, Kant admet que le nombre 5 a pour image cinq points alignés ; or, si l’on généralise ce procédé de construction, on obtiendra un schème spatial du nombre 5 ; et, d’autre part, la construction des figures géométriques étant successive selon Kant, les schèmes géométriques doivent impliquer aussi le temps. On ne voit donc pas ce qui distingue le nombre des schèmes géométriques, ni en quoi l’Arithmétique diffère de la Géométrie, tant par sa méthode que par son objet. Et pourtant tout le monde sent la différence qu’il y a entre les nombres et les figures géométriques ; les premiers sont plus abstraits, plus généraux, plus [272]