Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

processus dans le temps (B. 212) ; et d’ailleurs l’espace et le temps sont des grandeurs continues (B. 211). Qu’est-ce à dire, sinon que les grandeurs spatiales et l’espace lui-même ne peuvent être appréhendés qu’à travers le temps ? Aussi Kant affirme-t-il que la Géométrie, elle aussi, « repose sur la synthèse successive de l’imagination productive dans la génération des figures » (B. 204) ; par exemple, on ne peut pas se représenter une ligne sans la tirer dans la pensée, et par suite l’engendrer dans le temps (B. 203 ; cf. 154, 137-138). Cet exemple suffit à juger toute cette théorie ; elle consiste à confondre, à la manière des empiristes, les idées géométriques avec les images subjectives qui leur servent de support intuitif. L’idée d’une ligne est aussi indépendante de l’image que l’on obtient en la « tirant » par la pensée, que de la figure sensible qu’on réalise avec un tire-ligne sur le papier ou avec la craie sur le tableau. On n’a pas plus le droit de dire qu’une ligne enveloppe une certaine durée, que de dire qu’elle se compose d’encre de Chine ou de carbonate de chaux.

Au surplus, la théorie du schématisme donne lieu, en ce qui concerne le nombre, à bien des difficultés. On sait qu’un schème est « la représentation d’un procédé général de l’imagination pour procurer à un concept son image » (B. 179-180). Or Kant distingue le nombre, comme schème de la grandeur, de l’image qu’on en construit, par exemple, à l’aide de points (B. 179). La pensée d’un nombre particulier « est la représentation d’une méthode pour représenter une multitude (par exemple 1000) conformément à un certain concept dans une image, plutôt que [271]