Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/297

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devient visible » (B. 763). Il y a là une équivoque. S’il s’agit de la méthode de l’Algèbre, il a raison de dire que les signes sensibles préservent de l’erreur, comme Leibniz l’avait déjà remarqué. Mais s’il s’agit de la méthode géométrique, les figures ne peuvent, tout au contraire, qu’induire en erreur ; car la prétendue « évidence » intuitive peut dissimuler une faute de raisonnement ou un postulat. Cela prouve, en passant, qu’il n’y a aucune analogie entre ces deux sortes d’intuition. Ainsi l’intuition géométrique n’est pas, tant s’en faut, une garantie de vérité ou du moins de rigueur logique. On peut raisonner juste sur une figure inexacte ou même fausse ; on peut mal raisonner sur une figure bien construite, car on peut invoquer une propriété vraie, mais empirique, qui ne résulte pas des définitions ou des hypothèses. Qu’est-ce à dire, sinon que l’intuition ne doit avoir aucune part réelle dans les raisonnements géométriques, et que ceux-ci, pour être rigoureux, doivent être purement logiques ? Un appel à l’intuition (cette intuition fût-elle a priori) ne se distingue pas, en bonne méthode, d’une constatation empirique, et n’a pas plus de valeur. On peut déterminer le nombre p en mesurant le contour d’un cercle matériel ; Archimède, dit-on, a trouvé la quadrature de la parabole en pesant des lames taillées suivant cette courbe ; ce sont là des procédés évidemment étrangers à la méthode mathématique, mais ils ne le sont pas plus que ne le serait un appel à l’intuition.

Dira-t-on que les raisonnements géométriques portent, non [