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poésies.


Et le dimanche, après qu’aux voûtes du saint lieu
Avaient cessé les chants et l’ardente prière
Que les vieux Canadiens faisaient monter vers Dieu,
On les voyait se rendre à la pauvre chaumière
Où, fidèle gardien, l’héroïque soldat
Cachait comme un trésor cette relique sainte.
Là, des héros tombés dans le dernier combat
On pouvait un instant s’entretenir sans crainte.

De Lévis, de Montcalm on disait les exploits,
On répétait encor leur dernière parole ;
Et quand l’émotion, faisant taire les voix,
Posait sur chaque front une douce auréole,
Le soldat déployait à leurs yeux attendris
L’éclatante blancheur du drapeau de la France ;
Puis chacun retournait à son humble logis,
Emportant dans son cœur la joie et l’espérance.

Un soir que, réunis autour de ce foyer,
Ces hôtes assidus écoutaient en silence
Les longs récits empreints de cet esprit guerrier
Qui seul adoucissait leur amère souffrance ;
Ces récits qui semblaient à leurs cœurs désolés
Plus purs que l’aloès, plus doux que la cinname,
Le soldat, rappelant les beaux jours envolés,
Découvrit le projet que nourrissait son âme.

« Ô mes vieux compagnons de gloire et de malheur,
« Vous qu’un même désir autour de moi rassemble,
« Ma bouche, répondant au vœu de votre cœur,
« Vous dit, comme autrefois nous saurons vaincre ensemble.