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poésies.

« À ce grand roi pour qui nous avons combattu,
« Racontant les douleurs de notre sacrifice,
« J’oserai demander le secours attendu
« Qu’à ses fils malheureux doit sa main protectrice.

« Emportant avec moi ce drapeau glorieux,
« J’irai, pauvre soldat, jusqu’au pied de son trône,
« Et lui montrant ici ce joyau radieux
« Qu’il a laissé tomber de sa noble couronne,
« Ces enfants qui vers Dieu se tournant chaque soir,
« Mêlent toujours son nom à leur prière ardente,
« Je trouverai peut-être un cri de désespoir
« Pour attendrir son cœur et combler votre attente. »

À quelques temps de là, se confiant aux flots,
Le soldat s’éloignait des rives du grand fleuve,
Et dans son cœur, bercé des rêves les plus beaux,
Chantait l’illusion dont tout espoir s’abreuve.
De Saint-Malo bientôt il saluait les tours
Que cherche le marin au milieu de l’orage,
Et, retrouvant l’ardeur de ses premiers beaux jours,
De la vieille patrie il touchait le rivage.

Comme aux jours du Grand Roi, la France n’était plus
Du monde européen la reine et la maîtresse,
Et du vieux sang bourbon les héritiers déchus
L’abaissaient chaque jour par leur lâche faiblesse.
Louis Quinze, cherchant des voluptés à flots,
N’avait pas entendu, dans sa torpeur étrange,
Deux voix qui s’élevaient pleines de longs sanglots,
L’une du Canada, l’autre des bords du Gange.