Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

268
journal du siège de paris.

On chassera d’abord le Teuton, sauf à se prendre aux cheveux quand le sol ne sera plus souillé par les hordes d’outre-Rhin. Pour en revenir à la commission qui doit changer les noms des rues de Paris, je pense bien que Jules Favre et Gambetta ne tiennent pas absolument à ce changement. Comme tous les gouvernements sortis de l’émeute de la rue, les maîtres actuels de l’Hôtel de ville sont harcelés par les républicains de la veille. Tous les farceurs qui, depuis dix ans, ont passé leur temps dans les brasseries à maudire Napoléon entre deux verres d’absinthe, se posent aujourd’hui en martyrs et racontent la fabuleuse odyssée des malheurs qu’ils ont endurés sous le règne du tyran. Pour se débarrasser des plus importants de ces importuns on tâche de les caser. C’est pour les empêcher d’organiser des manifestations dans le genre de celle du 15 mai 1848 qu’on leur donne un os à ronger. Gare la mine le jour où l’on ne pourra plus placer les martyrs de la deuxième catégorie ! Ce jour-là, le gouvernement ne sera plus qu’un affreux réactionnaire et l’insurrection sera le plus saint des devoirs.

Jeudi soir, 15 septembre. — Sur le boulevard Magenta, j’ai vu défiler ce soir, à 7 heures, une partie du corps d’armée du général Vinoy, qui est arrivé trop tard à Sedan pour prendre part à la bataille. Les soldats, reposés des fatigues de la retraite, ont une allure tout à fait martiale. Les mitrailleuses attiraient surtout l’attention. Le défilé a duré près d’une heure. On dit qu’ils vont établir un camp retranché entre Joinville--