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journal du siège de paris.

pas de patriote, a malheureusement trop bien réussi. On a renversé l’empire, mais on a perdu la France.

La grande faute de Napoléon III est dans la politique extérieure suivie depuis 1859, et non pas dans le fait de la guerre de 1870. La Prusse était prête et voulait absolument cette guerre. Bismark, plus adroit que le duc de Grammont, a su faire surgir, au moment qui lui convenait, la question Hohenzollern et a réussi à mettre la France dans son tort en lui faisant déclarer la guerre. Je suis convaincu que, de ce côté-ci du Rhin, la majorité des Français voulait la guerre, du moins dans les villes ; les uns, pour en finir avec ce cauchemar qui, depuis Sadowa, pesait sur l’Europe et paralysait les affaires et l’industrie, les autres pour rétablir le prestige de la France, amoindri par la campagne de 1866.

Non, la grande faute du gouvernement impérial, ce n’est pas d’avoir conduit les Français sur le Rhin en 1870, c’est d’avoir fait la guerre à l’Autriche en 1859 pour fonder l’unité italienne, mère de l’unité allemande ; c’est d’avoir, en 1864, laissé égorger le Danemark par la Prusse et l’Autriche réunies ; c’est d’avoir, en 1866, se fiant aux belles paroles de Bismark, qui avait promis les bords du Rhin pour prix de la neutralité de la France, assisté, l’arme au bras, au démembrement de l’empire autrichien. Sedan, la paix du ler mars n’ont été que la conséquence logique, inévitable de 1859, de 1864 et de 1866. Voilà pour les causes politiques.