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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

cevoir que le système de Copernic, ou le système de Ticho-Brahé.

Je trouvai long-temps après dans mes rapports de famille une autre personne assez bizarre, et c’était la Duchesse de Saulx-Tavannes. Celle-ci ne disait pas d’extravagances, mais vous allez voir que les autres n’y gagnaient rien. Elle faisait brûler des plumes de pigeon sur la table et pendant son dîner, pour ne pas sentir ce qu’elle appelait une odeur de cuisine. Elle arrivait chez moi toute emmaillotée dans une douzaine de coqueluchons, dont elle se dépouillait successivement de cinq minutes en cinq minutes ; ensuite elle s’écriait qu’on la faisait étouffer, et elle allait s’installer sur une fenêtre qu’elle faisait ouvrir dans une première salle, et sur laquelle fenêtre ouverte elle s’asseyait les jambes en dehors. Elle y commençait par dire ses prières et finissait par s’endormir, tellement qu’elle est tombée deux ou trois fois dans mon jardin : mais c’était du rez-de-chaussée, grâce à Dieu pour elle !

Je n’ai pas oublié Cartouche, et je vous dirai donc qu’on était obligé de ne sortir le soir qu’avec cinq ou six laquais bien armés ; et quand on avait à passer les ponts, on s’arrangeait de manière a marcher en caravane et de conserve avec plusieurs autres voitures. Le guet de Paris était sur les dents, et la maison du chevalier-du-guet avait été si bien dévalisée par Cartouche en personne, que ledit chevalier-du-guet, chef de la police de nuit, en était réduit à manger son fricot avec du fer et de l’étain. Tous les jours on apprenait quelque nouvel exploit de Cartouche ; et les pauvres personnes dont les