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SOUVENIRS

heureuse en était si mortellement saisie, qu’elle ne pouvait crier ni proférer une seule parole ; mais dans ce qu’elle entendit, il y eut des révélations perfides… — Vilaine autruche ! — Ennuyeuse Intendante ! — Vieille tante à succession !… — Ah ! tu veux aller aux eaux pour faire languir tes héritiers ! — En voilà des eaux minérales ! en voilà des douches !… Et c’étaient des taloches et des seaux d’eau de puits qui lui tombaient sur le corps au milieu d’un vacarme affreux. Après un quart d’heure de pareils sévices et des plus mauvais traitemens (elle était tombée sous les coups, et restait gisante sur le pavé du vestibule), on s’aperçut qu’elle ne donnait aucun signe de vie ; on approcha des lumières, on ne reconnut point le petit de Clermont, et ce qui résulta de l’investigation, c’est que la pauvre femme était presque morte…

Chacun s’enfuit du château, à la réserve de ses parens qui s’arrachaient les cheveux, et qu’elle ne pouvait envisager sans éprouver un sentiment de terreur et d’horreur profondes ! Elle en mourut le troisième jour, et comme elle n’avait jamais fait aucunes dispositions testamentaires, il se trouva que son héritage était naturellement ouvert au profit des Martainville, ce qui les compromit dans l’opinion publique et pardevant leurs confrères du parlement, au point qu’on informa judiciairement sur cette abominable méprise, et que M. de Martainville se vit obligé de se défaire de sa charge. Comme il était rempli d’honneur, et que sa femme était la délicatesse même, ils ne voulurent toucher absolument rien de la succession de Mme de Séchelles, qu’ils abandonnèrent à leurs collatéraux. Ils vendirent