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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

quelque temps après leur beau manoir de Martainville, et même ils en quittèrent le nom pour celui de leur Baronnie de Francheville, que leur famille porte encore aujourd’hui. Mme de Maintenon a dit que le bon goût suppose toujours un grand sens ; et c’est la moralité de cette anecdote.

Ma tante reçut à peu près à la même époque une visite, honorable si l’on veut, mais dont elle se serait bien passée, vu le caractère épineux et la maussaderie coutumière de Madame la Princesse de Conty[1]. On avait envoyé son Altesse Sérénissime aux bains de mer, parce qu’elle avait été mordue par un de ses chats qui fut suspecté d’hydrophobie. En s’en retournant à Versailles, elle vint passer les fêtes de la Pentecôte à Montivilliers, et je me souviens qu’elle m’y baisa sur le front en me disant : — Bonjour, Cousine ; avec le même air et du même ton qu’un autre aurait dit : — Le diable t’emporte ! Je me rappelle aussi que pendant la grand’messe, elle y fit une scène à l’officiant qui venait lui présenter la patène à baiser. — Allons donc ! lui cria-t-elle avec une voix rude et en repoussant le vase sacré que le prêtre tenait à la main : — Allons donc ! Comme vous !… Comme vous ! poursuivit-elle aigrement ; ce dont notre malheureux chapelain resta tout abasourdi. L’Abbesse, qui siégeait en grande cérémonie

  1. Marie-Thérèse-Agnès de Bourbon-Condé, morte en 1752, étant veuve de François-Louis de Bourbon, Prince de Conty et de la Roche-sur-Yon, Duc de Mercœur, Comte de la Marche et Prince du sang royal de France, lequel était mort en 1709.
    (Note de l’Auteur.)