Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
SOUVENIRS

sur ce lit, une jeune beauté… Je n’ai jamais rien vu de plus ravissant !… Comme on était dans la saison, dans le climat et à l’heure de la plus forte chaleur, elle avait pour tout vêtement ses longs cheveux épars, ses mains et quelques roses effeuillées, peut-être. Elle me regarda de la tête aux pieds avec un air surpris, et puis de la manière la plus aimable. Je lui dis certaines choses que vous pouvez bien imaginer ; elle y répondit avec une bienveillance et une ingénuité remplies d’attraits ; enfin nous restâmes quatre ou cinq heures ensemble, après quoi cette petite personne me dit qu’elle était la fille aînée d’un Comte-à-baldaquin, et me demanda qui j’étais. — Je suis né sujet de la Sérénissime République de Gênes, lui répondis-je et j’éprouve un appétit dévorant ! Qu’est-ce donc qu’il y avait dans votre petit panier de ce matin ?…

— C’était ma panaccia et ma cioccolata que m’apportait Fra Pio, mais je les ai mangées tout de suite et je n’ai rien à vous donner jusqu’à mon souper ; c’est à dix-sept heures que va revenir Fra Pio : il faudra vous cacher vous saurez bien vous cacher, n’est-ce pas ?

— Mais pourquoi donc cette petite clochette avec la croix, et comment se fait-il que vous soyez ici toute seule ?…

— C’est, répondit-elle avec un ton dégagé, parce qu’on a su que j’avais été me promener sur le bord de la mer avec un Capitaine algérien qui débarque assez souvent dans le pays, et c’est qu’on a peur que j’aie gagné la peste…

Je tirai ma révérence à cette aimable Comtesse-à-