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SOUVENIRS

Sénégal, où les Européens ne sauraient vivre plus d’un an.

Arrivez donc, Marquise, me dit le malicieux personnage, en ricanant de me voir empêtrée dans cette méchante affaire, et en triomphant de me voir venir à lui, arrivez donc pour me donner des nouvelles de M. Lejeune de la Furjonnière, qui voudrait s’armer d’un Créquier de gueules en champ d’or !

— Monsieur de Richelieu, lui répondis-je, je suis une de ces bonnes femmes à préjugés qui respectent leurs maris et le nom qu’elles portent ; je n’entends pas raillerie sur des armoiries du onzième siècle ; ayez la prudence de ne pas jouer avec des armes d’aussi bonne trempe et si bien chargées…

La détente en est facile, et dans tous les cas, la vôtre n’est pas rouillée, Marquise, à ce qu’il me paraît !

— Ayez la bonté, mon cher Monsieur, de ne pas faire le joli-cœur avec la Marquise de Créquy (votre très-humble servante) ! Vous trouveriez à qui parler, et je vous en préviens !

Mais bonnement, reprit-il avec un faux air de distraction, comment voudrait-on que je prisse fait et cause et que j’eusse l’air de m’escrimer en faisant blanc de mon épée pour ce beau garçon ? On dirait, j’espère, que c’est pour faire plaisir à ma fille ; mais je ne veux pas traiter mon gendre comme un bœuf de son pays, en lui mettant des clochettes au bout des cornes.

— Mettez-y du foin, comme on fait pour les buffles, lui dis-je alors, et soyez bien assuré que si vous n’abandonnez pas Septimanie à la méchanceté de mesdames telles et telles, son mari va la défendre