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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

et la soutenir envers et contre tous. Si nous abandonnons ce pauvre M. de Guys à la haine de son père, votre malheureuse fille en perdra la tête avant d’en mourir de chagrin. Vous la compromettrez abord avec le monde, et puis avec son mari ; qu’y gagnerez-vous ? Ils ne se reverront jamais, j’espère, et m’a-t-elle assuré, du moins…

Le Maréchal me dit alors : — Je vous proteste que j’en ai grand’pitié ! Je l’ai fait venir ici, votre jeune homme, et j’ai trouvé que c’était bien le plus doux, le plus hardi, le plus aimable et le plus joli garçon de la terre. — Mais si je lui donnais, dites donc, quelque papier, comme qui dirait une sauve-garde de la Connétablie, par un brevet de moi pour être lieutenant des Maréchaux de France ou bien secrétaire à notre tribunal du Point d’Honneur ? Qu’est-ce qu’il en aurait à dire, M. de Bellisle, qui n’y pourrait que faire ? Car, au fait et prendre, c’est moi qui suis Doyen des Maréchaux ; c’est moi qui tiens la place de Connétable, et M. de Bellisle n’y verrait que du feu….. du feu,… C’est une chose dont il avait furieusement peur en son jeune temps, soit dit sans mauvaise volonté contre lui !

Comme j’étais bien au fait de la haine infernale et de la diabolique animosité dont ces deux vieux courtisans étaient dévorés l’un pour l’autre, je vis que le Maréchal de Richelieu prendrait plaisir à contrecarrer le Maréchal de Bellisle, en protégeant celui qu’il appelait mon jeune homme et à qui je n’avais parlé de ma vie. J’aperçus alors que le Maréchal de Richelieu avait été bien aise d’en recevoir une sollicitation de ma part, afin de pouvoir s’ap-