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SOUVENIRS

dépendent que de la voilure qu’il ne faut pas enfler et déployer avec témérité. Je dirai plutôt de Mme de Staël qu’elle a plus de passions qu’une femme ne doit en produire[1].

  1. Mme de Staël vient de publier encore un livre où l’on trouve un éloge de M. de Necker, un éloge de la révolution française, un éloge de Mme Necker, un éloge de l’adultère et un éloge du suicide. C’est un ouvrage en style iroquois, où l’auteur avance une foule de singularités surprenantes. On y voit notamment que les femmes n’ont d’existence que par l’amour, et que l’histoire de leur vie commence et finit avec l’amour, ce qui n’est certainement pas vrai pour les femmes honnêtes ou raisonnables. On est allé lui dire que je m’étais moquée de cette proposition-là. — Votre Madame de Créquy n’est plus une femme, a t-elle répondu. (Elle croit apparemment qu’en vieillissant les femmes deviennent des licornes.) Du reste, il paraît que Mme de Staël avait commencé par interroger la vie qui passait sans lui répondre, et qu’ensuite elle a éprouvé la vie qui lui a tout dit, ce qui ne l’a pas empêchée d’avoir manqué la vie. Il paraît aussi qu’après s’être livrée à des émotions sans bornes, elle est une âme exilée de l’amour, qui a fermé tout espoir sur elle ! Pauvre petite exilée de l’amour, à 49 ans !…
    (Note de l’Auteur.)