Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
SOUVENIRS

question d’admettre au répertoire de Versailles, à la lecture d’un comité de gens de lettres et d’un censeur prudent ; on n’aurait pas risqué pareille inconvenance au temps du Cardinal de Fleury, ni même sous le ministère du Duc de Choiseul ; et ceci vous prouvera combien les liens de la sujétion respectueuse étaient déjà relâchés.

Il ne m’était pas possible non plus d’aller aux séances de l’Académie française, où l’on proférait des panégyriques en faveur de Julien l’apostat, et où M. Dalembert faisait des homélies pour engager les Évêques à la résidence. M. l’Archevêque de Paris s’en fâchait tout rouge, et MM. du Parlement le poursuivaient sur appel-comme-d’abus. M. de Malesherbes n’entendait pas s’opposer à l’inondation des mauvais livres, et les mauvais livres infestaient l’esprit public en dénaturant le caractère français. M. de Maurepas ricanait et ne savait faire autre chose que d’exalter M. Necker : il était persuadé que l’opinion publique est toujours soumise à l’état des finances, et que la moralité d’un peuple est inutile à la prospérité d’un gouvernement.

Je vous disais qu’il ne nous était plus possible d’assister aux séances de l’Académie française, et voici pourquoi. Cette malheureuse compagnie se trouvait dominée par la coterie des philosophes encyclopédistes, et c’était M. Dalembert et surtout Mlle Lespinasse, qui s’étaient emparés de sa direction : Dalembert, en sa qualité de secrétaire perpétuel de l’Académie, et sa demoiselle, à titre de présidente en chef des prôneurs philosophiques. On aurait bien pu les déjouer en les affrontant, mais