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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

il m’aurait semblé que rien ne pouvait et ne devait se trouver dans l’ordre naturel des choses, parce que Geneviève n’était pas venue sur la Thymerale ; et quand on a le cœur troublé, on ne songe qu’à soi.

« Je restai plus d’un quart d’heure à contempler, par dessus la haie du petit jardin, la porte de cette chaumière ; je n’osais pas en approcher, mais dussé-je attendre jusqu’au lendemain matin, j’étais sûr de la voir : elle me dirait la cause de son absence ; elle était là, j’étais ici, tout auprès d’elle, et les mouvemens douloureux et désordonnés de mon cœur étaient apaisés. Il en avait besoin : j’avais senti battre le cœur d’un homme dans la poitrine d’un enfant, et j’aurais cru qu’il allait se briser contre mes côtes !… Il me semblait donc que je n’avais plus rien à désirer, rien à craindre, et qu’il me suffisait, pour éprouver un bonheur parfait, de me tenir tranquille, à l’endroit où j’étais, jusqu’au point du jour.

« Cependant, je vis ouvrir la porte de la mai « son ; il en sortit une petite vieille femme avec une lampe allumée qu’elle avait grand’peine à préserver du vent ; je la vis arriver auprès de la haie qui nous séparait, pour y couper une branche d’arbuste… Je ne sais quelle idée sombre traversa mon âme, et j’entrai dans la chaumière à la suite de cette vielle femme… Geneviève, car je ne m’occupai d’abord que d’elle, et je ne vis qu’elle ; Geneviève était à genoux auprès du lit de sa mère à qui le vieux curé de Rouvres administrait