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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

jeune femme que vous m’avez fait aimer, sans la connaître, parce que je vous connais pour un homme véridique et loyal, un véritable prince français

— « Je l’aime, répliqua-t-il en battant la campagne Amoureuse et la plaine de Tendre ; — je l’aime et je l’aimerai toujours de toutes les puissances de mon cœur et de toutes les facultés de mon âme ! J’aime toute chose en elle, et jusqu’à l’infériorité de sa naissance. En pensant à la distance qui devrait nous séparer, je l’en aime plus tendrement encore et plus fortement ! Tout ce qui touche à sa famille est devenu pour moi cher et sensible, et presque vénérable. Si je vous disais que j’ai fait exhumer son père et sa mère, et qu’ils sont ensevelis dans l’église de Dreux, entre le mausolée de la Duchesse Diane et le cénotaphe d’Henri II… Je vous avouerai pourtant que, si les parens de Geneviève n’avaient pas été des gens respectables et honorés dans leur pays, c’est une chose qui m’aurait arrêté peut-être, et qui, du moins, m’aurait torturé ! Car j’ai peine à croire, encore aujourd’hui, que j’eusse pu supporter cette sorte de chagrin !… Mais, grâce à Dieu ! le mépris public ne saurait atteindre la fille de la vertueuse Suzanne et de ce brave Remy Galliot que tout le monde regrette. Je vous assure que si l’on osait s’attaquer à la femme de mon choix, à celle que je veux, que je dois défendre, je saurais bien me roidir contre les obstacles du rang et du sang ! mais le Roi n’est pas un tyran, Madame ! Le Duc de Chartres est un