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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

rime en an ; elle a raison. Parle-t-on de son air : on dit charmant, son esprit charmant  ; encore son cœur intéressant y rime juste ; la voila, c’est Lussan. Envoyez-la-moi dans un siècle : je la placerai auprès de Rousseau ; son écuyer sera Chaulieu ; elle brûlera l’un et fixera l’autre.

« Et le cher baron de Tott, qu’en faites-vous ? Mille excuses, quand vous le verrez : je l’ai maltraité sur ma fin, mais je me mourais, c’est là le cas de radoter.

« Que diriez-vous, ma chère enfant, de ce vilain Abbé de Modène, qui est venu frapper ici ? Un brutal, un débauché ! Fi donc l’horreur ! Voisenon l’a chassé comme profane ; mais nous guettons l’Abbé de Bernis.

« Adieu, chère enfant ; ménagez-vous. Je ne vous attends que dans soixante ans au plus tôt, parce qu’il faut être assez là-bas pour mieux goûter le bien d’ici.

« Plus qu’un petit conseil, et je vous laisse : soyez jeune sans crainte de vieillir ; vieillissez sans crainte d’être jeune ; restez bonne comme vous êtes aimable ; soyez aimante pour être aimée. Le bonbeur dans le monde, le voici : sentir, et bien placer ce que l’on sent.

« Je vous écrirai au jour de l’an.

« TESSÉ, rajeunie et heureuse. »


On dit que, lorsque M. de Talleyrand se recherche et qu’il veut faire l’agréable en écrivant, il y a quelque chose de cette facture-là dans son style. On s’en est moqué comme de juste ; il a voulu s’en corriger, mais il aura beau faire, il n’écrira jamais correctement ni agréablement ; il est de l’école de. Crébillon.

Je ne vous parlerai pas encore aussi longuement