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SOUVENIRS

de M. le Comte d’Artois, avec qui j’avais moins de relations qu’avec ses frères, parce qu’il était le plus jeune, et parce que mon fils avait la survivance du grand office de son beau-père dans la maison de Monsieur. Cet enfant royal était rempli de vivacité, d’esprit, de bonté naïve et de grâce naturelle. On en rapportait continuellement des gentillesses ou des preuves de sensibilité parfaite ; je vous assure qu’il était devenu pour toute la France un objet d’adoration, et c’est assurément la personne de la famille royale que les d’Orléans ont eu le plus de peine à dépopulariser, comme disait Mirabeau. La Duchesse de Beauvilliers, qui grognait toujours, ne trouvait pourtant qu’un reproche à lui faire (en trois parties) : c’est à savoir qu’il avait toujours un pied sur l’étrier, qu’il avait toujours la cravache à la main, qu’il avait parfois la main trop légère. Dans quelques années d’ici je vous parlerai de son duel avec un prince du sang, et vous verrez si le Duc d’Orléans, frère de la Duchesse de Bourbon, s’est conduit misérablement dans cette occasion-là.

Notre cousin le Prince Louis, depuis Cardinal de Rohan, fut envoyé comme Ambassadeur extraordinaire à Vienne ; mon parent le Baron de Breteuil, Ambassadeur ordinaire à Vienne, eut le dégoût de s’y voir éclipsé par le Prince Louis. Il arriva d’Allemagne avec la rage dans le cœur ; il fut créé ministre de la Maison du Roi, ce qui l’encouragea dans son esprit de vindicte ; au lieu de l’apaiser et quand je vous rendrai compte de cet horrible procès du collier, qui m’a donné tant de soucis et d’affliction. Vous y trouverez l’effet de cette belle rancune de