Page:Créquy - Souvenirs, tome 7.djvu/9

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M. de Maillebois. Les philosophes encyclopédistes allaient disant partout que ce mariage était une insulte aux mânes de Voltaire, une indignité méprisable, un scandale affreux !

Mme Duvivier laissait dire, et mettait des guirlandes de fleurs avec des robes de linon. Mme Duvivier s’amusait comme une petite reine, et la première chose qu’elle avait faite était de vendre son château de Ferney, avec le cœur de son cher oncle par-dessus le marché. L’impératrice de Russie lui écrivit pour la complimenter sur ce beau mariage, et Monsieur, Comte de Provence, en rapportait de si belles particularités que je pense bien qu’il en inventait les trois quarts. Il assurait notamment que Mme Duvivier avait conçu l’ambition de faire tenir son premier enfant par la Maréchale de Noailles, laquelle avait la bonhomie d’en être furieuse ! — Me proposer de tenir sur les fonds baptismaux un horrible enfant qui va naître avec le sceau de la réprobation, et de m’engager spirituellement et sacramentellement pour un pareil ante-christ ! et quand on lui conseillait de se tranquilliser, parce que sa prétendue commère avait au moins soixante et dix ans, elle reprenait avec un air de persuasion douloureuse : — C’est une chose dont il ne m’est pas permis de douter, c’est une chose qui m’est revenue par Monsieur, et nous ne doutons pas aussi de ce que c’est une œuvre du démon.

Monsieur fut tellement ému de compassion pour ses angoisses, car il est bon de vous dire qu’elle avait fait un vœu par lequel elle se croyait engagée, quoiqu’il fût des plus téméraires et celui-ci con-