Page:Crevel - Êtes-vous fous?, 1929.djvu/118

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Et ne quitte point ta chaise longue, même si tes doigts se glacent, malgré la saison qui, pour une demi-semaine encore, s’appelle été, oublie le zinc quasi charnel des comptoirs, les mains que tu y jetais, l’année dernière, car, il n’y a pas de bistrot dans le rucher à malades, pas un pan de mur où s’épanouisse une gerbe de salpêtre entre des colonnes de bouteilles, pas une table dont la toile cirée, façon marbre, présente des méandres violacés, nervures foudroyantes, cocasseries péninsulaires, découpées blanches et noires sur fond rouge, autant de fleuves, de routes, à l’espoir, au rêve. Mais, de sa prison, l’esprit qui ne peut y ouvrir les ailes veut s’envoler. Or on ne flotte pas dans le vide. Tu n’atteindras point à l’éther si haut creusé. Je te l’avais bien dit. Bigne ! tu te cognes aux montagnes. Ton œil maintenant à la dérive aimerait se faire mollusque, huître à gober, mais nulle bouche pitoyable ne boira tes larmes, ce piteux résumé d’océan, d’où l’amour seul ressusciterait la mer et l’infini de ses mirages.

Décidément tu n’en peux plus.