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ÊTES-VOUS FOUS ?

arabes, tziganes, chinoises, thibétaines, nègres, des excentriques et des à tutus. Il y en avait pour tous les goûts. La guerre interrompit mes représentations. L’Anglais, qui, afin de continuer à mener son train de vie, avait dû accepter les propositions de l’Intelligence Service, me casa dans l’espionnage. Nous avions l’un et l’autre autant d’activité que d’appétit. Servir des deux côtés à la fois était un jeu d’enfant. Pas un râtelier où nous n’ayons mangé.

À Vienne, sous les noms de Baron et Baronne Von Veidt, nous avions nos grandes et petites entrées à la Cour. Le vieux François-Joseph, qui, malgré son âge, regardait encore beaucoup les femmes, eut pour moi tant de galants égards, que, bientôt, la ville entière prétendit que j’étais sa maîtresse. Je laissai dire. L’Empereur était fort peu exigeant. On le mettait aux anges rien qu’à lui pincer le menton en chantonnant : Je te tiens par la barbichette.

De ma plus douce main je caressais le front ridé, les célèbres favoris. Souvent aussi nous