Page:Crevel - Êtes-vous fous?, 1929.djvu/66

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aillent au diable ! Je ne ferme pas l’œil de la nuit. Enfin voici l’aube expiatoire, comme dit le ratichon qui s’amène dès potron-minet. Mais à la porte le bonhomme noir ! J’aime mieux le traditionnel verre de rhum que son De profundis. Je me fais belle. À me voir, on croirait que je vais à une messe de mariage. Robe de soie noire à grand jabot plissé, souliers vernis. Bas à jours, comme c’était la mode alors. Sur les épaules un renard argenté. Chapeau monumental de velours aubergine, avec grande plume du même ton. Quelques bijoux. Ni diamants, ni rubis. Rien que des perles, un saphir à l’annulaire gauche, mon sautoir de Lalique or et cristal, terminé par le face-à-main. On vient me chercher. Une seconde, s’il vous plaît. Un petit nuage de poudre et je suis prête. Les prisons de la troisième république manquent de miroir… Voilà. Ne vous impatientez donc pas. On y va. On y va.

Le terrain d’exécution. Je descends du fourgon automobile qui m’y a conduite. Mon défenseur m’offre le bras. Nous marchons entre deux haies de soldats casqués, armés. Grâce