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à seule fin d’établir, envers et contre tous, la suprématie, le triomphe quand même de l’ordre établi sur la Terre et dans le Ciel.

À noter, chemin faisant, qu’au mysticisme à l’état sauvage, le poète-diplomate, implicitement, oppose le sien de mysticisme, un mysticisme domestique, un mysticisme ambassadeur, un mysticisme pratiquant et pratique, car si le spirituel du temporel se distingue, dans l’esprit des Églises et de leurs fidèles, c’est pour qu’il soit, à tour de rôle, de l’un et l’autre, usé. On s’arrange avec la vie terrestre, avec la vie future, on fait d’une pierre deux coups, on transige, on coupe la poire en deux, on garde pour plus tard la belle moitié, et la prévoyance humaine invente l’éternité. La pérégrination opportuniste se fait dans le temps puisque l’espace se refuse à tout symbole d’infini, aussi infini que les appétits, les vanités des individus.

Essayer de voir ce qui se cache derrière la buée des mots, s’en prendre à l’arbre de la connaissance, voilà le péché dont le catéchisme nous dit qu’il n’aura jamais sa rémission.

Et pourtant, au risque d’enfer, renvoyons notre poète-diplomate, non au dictionnaire de l’Académie (qui n’est pas encore son fait) mais au vulgaire petit Larousse.

Nous lisons :

Mysticisme : doctrine philosophique et religieuse, d’après laquelle la perfection consiste dans une sorte de contemplation qui va jusqu’à l’extase et unit mystérieusement l’homme et la divinité.

Or, qu’il s’agisse de Rimbaud, d’X ou d’Y, comment la perfection qui sous-entend le précis, l’exact, le définitif, pourrait-elle consister en une sorte de… Et sorte de contemplation par-dessus le marché.