Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/247

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sence d’Achille, se voyaient réduits à une situation presque désespérée ; mais ce moment n’était pas pour lui une phase déterminée d’un récit suivi. Ses auditeurs voulaient de belles narrations poétiques, et ils se souciaient peu que l’assemblage en fût plus ou moins exact. De tels chants étaient donc faits à propos des précédents et, pour ainsi dire, à côté d’eux ; ils les supposaient connus, sans s’y rattacher rigoureusement. Et l’on comprend ainsi que l’auteur de la Patroclie, s’il a composé son chant, comme cela parait probable, après celui de l’Ambassade ait pu néanmoins prêter à son Achille des paroles qui impliquent que la démarche des Achéens n’a pas encore eu lieu ; en fait elle n’avait à ce moment aucune place fixe dans une série déterminée.

Voilà donc, selon ce qui nous parait vraisemblable, le premier état de l’Iliade: des chants isolés, mais connexes, les uns liés entre eux par la suite nécessaire des événements et formant une série plus ou moins interrompue, les autres flottant autour de ceux-là sans y être encore attachés par des liens rigides. Cette conception est-elle d’ailleurs susceptible d’une précision absolue? Nous ne le croyons pas. Quel était au juste le nombre de ces chants? Quelle était l’étendue exacte de chacun d’eux ? A quelle date relative ont-ils été composés? Autant de questions qui sont aujourd’hui et qui seront peut-être toujours un objet de recherches et de discussions. Mais qu’importe après tout? Quelles que soient les réponses et les divergences, elles ne portent pas atteinte aux vues générales que nous exposons ici.

Une seule remarque au sujet du classement chronologique des parties du poème : s’il y a chance d’en déterminer les dates respectives par comparaison, c’est en s’attachant aux choses mêmes, c’est-à-