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ACHILLE 243

reparaît avec le même éclat. Une passion nouvelle, celle de venger son ami, a succédé alors en lui à l'ancienne passion, à celle de sa vengeance person- nelle. Elle est nouvelle, mais elle a les mêmes carac- tères que l'ancienne. Elle possède Tàme tout en- tière, elle la soulève jusque dans ses dernières profondeurs. Tout ce qu'il y a dans Achille de forces morales, son courage intrépide, sa confiance en lui- même, sa résolution inflexible en face même d'une destinée qu'il n'ignore pas, et surtout son dévoue- ment ardent à un sentiment qui est pour lui comme une religion, tout cela se dresse à la fois contre Hector :

« Hector, ennemi dëtesté, ne me parle pas de promesses mutuelles. Point de serments entre les lions et les hommes ; point d'entente entre les loups et les agneaux ; la haine, et toujours la haine î De même entre toi et moi : ni amitié ni promesse ; il faut que l'un ou l'autre meure et qu'il rassasie de son sang Ares, l'opiniâtre combattant. Appelle à toi toute ta vertu ; c'est maintenant qu'il est à propos d'exceller à manier la lance et à combattre. Plus de fuite possible pour toi : Pallas Athéné va te dompter par mon fer ; tu paieras en une seule fois les deuils de tous mes amis, massacrés par ton bras * . »

Si le don suprême de la poésie est de mettre tout riiomme dans une passion, jamais peut-être ce don ne s'est révélé plus merveilleusement. La vengeance de Patrocle, voilà le seul objet auquel tend toute l'action d'Achille au vingt-deuxième livre ; mais dans ce rôle si simple, la richesse de sa nature éclate : sa haine implacable est unie à tous les sentiments qui lui sont propres; elles les absoibe et les trans- forme en elle-même, mais ne les supprime pas.

1. Iliade, XXII, 261.

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